CAA et bilinguisme :  

Soutenir l’apprentissage de langues pour son enfant en situation de handicap avec la communication alternative et améliorée

Si votre enfant ne parle pas ou a un retard de langage important, peut-il quand même devenir bilingue ? C’est une question que beaucoup de parents se posent, d’autant plus que les familles bilingues sont nombreuses. A savoir, 43 % de la population mondiale est bilingue, et encore 17 % sont multilingues. 

Peut-être que votre famille parle deux ou plusieurs langues à la maison ou que la langue que vous parlez à la maison est différente de l’école. Comment soutenir au mieux le développement de votre enfant ? Est-ce que vous pouvez lui parler dans votre langue maternelle ? Dans cet article, nous partageons des conseils et répondons à des questions courantes. Un grand merci à Anne-Laure Zilliox, ergothérapeute à Luxembourg, ainsi qu’aux les familles bilingues et multilingues qui ont accepté de partager leurs expériences. 

Mon enfant ne parle pas (ou peu), peut-il devenir bilingue ?

Oui, si votre enfant grandit dans un environnement bilingue, il est (ou va devenir) bilingue. Utiliser des signes et des pictogrammes comme un repère stable entre les différentes langues utilisées au quotidien peut soutenir sa compréhension. Un enfant qui ne parle pas, ou qui a un langage oral limité, aura besoin de moyens de communication alternative et améliorée disponibles dans les deux langues pour développer ses compétences et exprimer tout ce qu’il aura à dire. Heureusement aujourd’hui, il existe beaucoup de dispositifs adaptés en plusieurs langues qui permettent de basculer d’une langue à l’autre en fonction du contexte et de l’interlocuteur.

“Pour nous, c’était une évidence qu’il fallait que notre fille apprenne la langue de chacun de ses parents. C’est essentiel pour garder le lien avec ses grands-parents, la famille élargie. Puis c’était important pour moi, en tant que maman, de pouvoir lui parler dans ma langue à moi, même si ce n’est pas celle de l’école.” 

Quels sont les bénéfices du bilinguisme ?

Parler une langue ne permet pas juste d’accéder à des informations ou subvenir à ses besoins, c’est aussi l’accès à une autre culture et vivre pleinement son identité culturelle. Si une partie de sa famille parle une autre langue, l’enfant aura donc besoin d’y avoir accès aussi pour mieux s’intégrer dans sa communauté et pour communiquer plus aisément avec son entourage. 

“Quand nous avons mis en place son outil de CAA sur tablette, j’ai rapidement ajouté une page de messages rapides en marocain, avec des phrases utiles pour discuter avec notre entourage. Mon fils a A-DO-RE ! Il prend beaucoup de plaisir à écouter et essayer de répéter les phrases en arabe”

Il existe aussi beaucoup d’autres bénéfices du bilinguisme, notamment la stimulation des capacités cognitives, une capacité d’attention améliorée et une flexibilité plus importante . À long terme, être bilingue peut même aider à réduire les risques de démence.

Est-ce qu’il y a des risques liés au bilinguisme pour un enfant avec un handicap de communication ?

Il y a certaines craintes courantes quand un enfant a un retard de développement et qu’il grandit dans un contexte bilingue. Est-ce que l’exposition à deux langues va retarder encore plus son développement ? Mon enfant aura-t-il la capacité de devenir bilingue ?  Malheureusement, il existe beaucoup de mythes et d’informations erronées autour du bilinguisme. Ce que la recherche nous dit, c’est qu’avec un accompagnement adapté, et en ayant accès à des moyens de communication alternative dans toutes les langues utilisées quotidiennement, les enfants en situation de handicap de communication ont tout à fait la possibilité de devenir bilingues.

Il n’y a donc pas de risque à parler deux langues. Cependant, il y a des dommages potentiels quand on impose aux parents de parler une autre langue que leur langue maternelle avec leurs enfants, notamment si l’autre langue n’est pas totalement maîtrisée. 

“Dans notre cas, le bilinguisme a été très valorisant pour notre enfant et a contribué à son estime de soi. Les compétences des personnes avec un handicap de communication sont si facilement sous-estimées. Heureusement que les professionnels nous ont encouragé et aidé »

Le code-switching… quand on mélange les langues

Le “code switching”, c’est quand on change de langue, parfois au milieu d’une phrase, pour utiliser un mot dans une autre langue qui correspond mieux à notre discours. Pour de jeunes enfants, cela permet d’exploiter tout le vocabulaire qu’ils ont à leur disposition. En grandissant, on apprend à ne se servir du code switching uniquement si notre interlocuteur est à l’aise avec les deux langues. C’est un élément naturel et universel du bilinguisme, peu importe l’âge… vive la diversité culturelle et linguistique ! 

“ Je me souviens que très tôt, mon fils s’adressait à moi en anglais et switchait sans hésitation au français pour parler à son père. Puis parfois, un beau mélange des deux : “Papa ! maman m’a dit que we’re going to a show !””

Proposer la CAA en deux (ou plusieurs) langues : comment faire ?

Il y a plusieurs possibilités:

  • Sur un outil de CAA numérique, choisir un logiciel ou application qui contient déjà des traductions et adaptations dans les langues cibles. Dans ce cas, il suffira d’activer le mode bilingue ou ajouter un bouton permettant de basculer entre les langues.
  • Si la langue cible est moins courante, il sera peut-être nécessaire d’adapter et de traduire vous-même. Avant de commencer, pensez à faire appel à la communauté CAA en ligne pour voir si des traductions ont déjà été réalisées. Certains logiciels, comme Mind Express 5, permettent une traduction automatique et rapide de tout un ensemble de pages. 
  • Si aujourd’hui vous utilisez des tableaux de communication papier ou un classeur, vous pouvez éventuellement rajouter la deuxième langue à la main ou utiliser des logiciels de traduction automatique, comme Deepl, qui sont de plus en plus efficaces. Comme avec toute traduction automatique, ce ne sera pas parfait et il faudra relire et corriger, mais cela représente un gain de temps considérable.
  • Il est particulièrement important de prendre en compte les envies et priorités de l’utilisateur et de sa famille, pour le choix des pictogrammes et du vocabulaire par exemple. 

Du vocabulaire de la langue des signes pour soutenir le bilinguisme

En plus de la CAA, la langue des signes peut aussi aider à soutenir le bilinguisme. En rendant visuels et kinesthésiques les mots, elle offre une autre façon de communiquer qui peut être utile pour votre enfant et l’aider à faire le lien entre le sens dans différentes langues.

En résumé, le bilinguisme est bénéfique pour tous les enfants, y compris ceux en situation de handicap de communication, et il est possible et positif de proposer des outils de CAA dans toutes les langues qu’ils utilisent. 

Sources et ressources :

Bilingualism : facts and fiction https://www.hanen.org/CMSPages/handler404.aspx?aspxerrorpath=/Helpful-Info/Articles/Bilingualism-in-Young-Children–Separating-Fact-fr 

AAC, Literacy and Bilingualism, Ovette L Harrison-Harris 2002 : 

https://leader.pubs.asha.org/doi/10.1044/leader.FTR2.07202002.4 

Bilinguism : consequences for mind and brain :  https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3322418/#R1 

Bilingualism, Augmentative and Alternative Communication, and Equity: Making a Case for People With Complex Communication Needs Ellyn McNamara

https://doi.org/10.1044/persp3.SIG12.138

Should bilingual children learn reading in two languages at the same time or in sequence? Melody S. Berens,3 Ioulia Kovelman,4 and Laura-Ann Petitto1,2,*

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