Utiliser des pictogrammes pour soutenir la communication permet à beaucoup de personnes de mieux comprendre, s’exprimer et développer leur langage. Mais si la personne a des difficultés visuelles, comment adapter les supports pour les rendre plus accessibles ? Comment expliquer qu’un enfant détourne le regard quand on lui montre son outil ? Et pour une personne non-voyante qui ne parle pas, comment lui donner accès aux outils de communication ?
Nous avons demandé à Sophie Lallemand, orthoptiste et formatrice en communication alternative et augmentée (CAA) de Com’ Avec les Autres, pour des conseils sur la mise en place de la CAA en cas de difficultés visuelles.
« A chaque fois que je lui montrais le tableau de communication, elle tournait la tête. Je me disais que cela ne devait pas l’intéresser. Plus tard, j’ai appris qu’elle a des troubles visuels et que sa vision périphérique est plus forte… en fait elle détournait le regard pour mieux voir, c’était stratégique ! »
Anna, maman de Camille
Mon enfant a des difficultés visuelles, peut-il utiliser la communication alternative et augmentée ?
Oui bien sûr. Il est toujours possible de trouver un outil ou un dispositif de CAA qui pourra lui convenir en y apportant si besoin des adaptations. La communication alternative et augmentée sera utile pour toute personne qui a des difficultés pour s’exprimer à l’oral, peu importe ses défis, des adaptations existent.
Au delà de la taille des pictogrammes, il y a beaucoup d’autres facteurs qui rendent les supports plus accessibles au niveau visuel.
Comment rendre les pictogrammes plus faciles à voir ?
Il faudra, dans un premier temps, choisir la banque de pictogrammes la plus adaptée. En effet, certains pictogrammes sont plus faciles à analyser visuellement que d’autres.
Il faudra ensuite définir la taille des pictogrammes la plus petite que l’enfant peut voir (un bilan ophtalmologique et orthoptique pourra vous guider sur ce point). Cela vous aidera à choisir la taille de la grille dans l’outil de communication.
Il est ensuite possible de jouer sur différents aspects tels que changer la couleur du fond du pictogramme ou créer un contraste entre le fond de la page et le pictogramme. Parfois, le fait d’espacer les pictogrammes les rendent plus faciles à voir également. N’hésitez pas à explorer les paramètres si vous utilisez un logiciel.
Mon enfant est non-voyant, quelles adaptations sont possibles ?
Il existe des pictogrammes tactiles, parfois créés avec une imprimante 3D, mais ils ne conviennent pas à tous les enfants non-voyants, d’autant plus s’il a des difficultés motrices associées. Aussi, le nombre de pictogrammes sera relativement limité.
L’utilisation du balayage assisté par le partenaire peut être une bonne alternative à lui proposer. C’est-à-dire que le partenaire de communication va lire à haute voix les messages dans l’outil de communication, et la personne va désigner son choix par un geste ou un mouvement pour montrer « oui ». Les outils de communication comme le PODD sont organisés de manière stable et logique ; petit à petit la personne apprend son outil et la communication devient plus fluide.
Quand je mets les tableaux de communication devant mon enfant, il détourne souvent le regard… comment faire ?
Avant de se demander comment faire, il faut surtout savoir pourquoi il agit ainsi. Des raisons très variées pourrait être à l’origine de ce type de comportement, comme par exemple :
- l’enfant utilise sa vision périphérique plutôt que sa vision centrale pour regarder
- il ne peut pas écouter et regarder en même temps
- il adopte une position de tête particulière pour mieux voir (dans le cas d’un problème de champ visuel, de nystagmus…)
Lorsque la raison de ce comportement a été identifiée, il sera possible d’ajuster la réponse à lui apporter : l’aider à utiliser la vision centrale, placer différemment les tableaux de communication ou juste le laisser faire car c’est dans cette position que son regard est le plus efficace. Un orthoptiste pourra vous aider.
On m’a parlé de « cécité corticale », qu’est-ce que c’est ?
La cécité corticale est due à une atteinte neurologique et n’est pas un problème qui concerne l’œil en lui-même. Il s’agit d’une perte de sensations visuelles causée par des lésions cérébrales au niveau du cortex visuel. C’est une pathologie assez méconnue et qui peut être déroutante. Le déficit visuel est rarement complet et les personnes qui en souffrent peuvent tout de même garder des capacités visuelles résiduelles très variables. Il est important de se faire accompagner par un professionnel compétent sur ce sujet.
La cécité corticale, ou les troubles cortico-visuels, est souvent sous-diagnostiquée.
Que fait un orthoptiste ? (en termes de CAA)
Un orthoptiste est un professionnel paramédical qui s’occupe de la fonction visuelle.
Au-delà de l’aspect sensoriel (acuité visuelle et champ visuel), il va également s’intéresser à la façon dont l’enfant utilise ses yeux sur le plan fonctionnel. Il va évaluer ses capacités de fixation, la qualité de sa coordination œil-main, de son exploration visuelle, de sa reconnaissance visuelle…
En terme de CAA, il pourra donc fournir des informations précieuses et ainsi orienter sur des préconisations concernant l’adaptation du dispositif : quels pictogrammes, combien de pictogramme par page, quels contrastes utiliser, faut-il placer le dispositif en face de l’enfant ou sur le côté, surélevé grâce un pupitre ou posé sur la table…
Une fois le dispositif choisi, l’enfant aura possiblement besoin d’une rééducation afin d’améliorer ses capacités visuelles et de les rendre efficaces, ce qui facilitera l’utilisation du dispositif de communication.
Notre orthoptiste ne connaît pas la CAA… peut-il quand même nous aider pour la mettre en place ?
Que l’orthoptiste connaisse ou non la CAA, un bilan des fonctions visuelles ne pourra qu’aider pour le choix et la mise en place d’un dispositif car son évaluation portera sur différents aspects (sensoriel, moteur, et fonctionnel, comme évoqué ci-dessus.
Lorsque vous rencontrez un orthoptiste dans le cadre d’un bilan en vue de mettre en place un dispositif, s’il ne connaît pas la CAA, je ne peux que vous conseiller de lui expliquer de quoi il s’agit et de lui préciser les informations dont vous avez besoin. Pour l’aider à synthétiser ces informations, vous pouvez télécharger un questionnaire à remettre à votre orthoptiste dans les ressources de Com’ Avec les Autres.
En termes de formation, une formation générale sur la CAA lui permettra de connaître les différents outils ou il existe quelques formations spécifiques.
Nous remercions encore l’orthoptiste Sophie Lallemand pour sa collaboration dans l’écriture de cet article. Vous pouvez en savoir plus sur les suivis et les formations qu’elle propose, notamment : “La place de l’orthoptie dans la CAA” sur le site de Com’ Avec les Autres .
FAQ
Afin de se retrouver dans les différentes expressions propres à la Communication Alternative et Augmentée, HappyCap Foundation vous propose une Foire à Questions (FAQ) de la CAA :