Utiliser les signes pour soutenir la communication

Votre enfant ou proche ne parle pas ou a un retard de langage ? On vous a parlé de l’intérêt des signes pour soutenir sa communication mais vous vous posez des questions ? Nous avons travaillé avec Judith Labouverie, orthophoniste et formatrice, pour vous répondre !

Si une personne a des difficultés pour parler, on va explorer d’autres moyens pour lui permettre de s’exprimer et pour soutenir sa compréhension. Les gestes naturels font partie de la communication pour tout le monde, mais les signes (issus des langues des signes du pays dans lequel on vit) vont permettre d’aller beaucoup plus loin. On a toujours nos mains avec nous –  elles ne sont jamais en panne de batterie ! 

Dans cet article, nous allons parler des bénéfices, et aussi des limites, de l’utilisation des signes comme moyen de communication pour une personne avec une difficulté de communication importante. Nous allons voir pour quelles personnes ils seront préconisés et nous allons expliquer rapidement les différentes « familles » de signes en langue française. 

Les signes, ce n’est pas que pour les personnes sourdes et malentendantes ?

Eh non ! Que ce soit pour les très jeunes enfants, les personnes avec un handicap de communication ou pour toute personne cherchant à augmenter ses moyens d’expression, les signes peuvent permettre une communication alternative ou augmentative riche

La LSF ou Langue des Signe Française est une langue à part entière, avec sa propre syntaxe et sa culture. C’est la langue utilisée par 80.000 personnes sourdes et malentendantes en France [1]. C’est une langue qui a une logique propre (visuelle) et qui ne suit pas la même syntaxe que le français parlé. Lorsqu’on pratique la LSF, on utilise ses mains, son corps, les expressions faciales et parfois certaines positions des lèvres mais on ne parle pas en même temps !

Si une personne a une difficulté à interpréter les sons du langage (comme dans une agnosie auditive, le syndrome de Landau Kleffner ou en cas de troubles de la modulation sensorielle auditive), les signes seront essentiels pour lui permettre de développer son langage et mettre du sens sur ce qui l’entoure. Différentes approches sont possibles, selon les besoins et les envies de la personne et son entourage. Certaines familles font le choix d’une orientation LSF pour proposer une langue complète et à part entière à leur enfant, et les inscrivent alors dans une école où tous signent.

Dans le champ de la Communication Alternative et Augmentée (CAA), les signes auxquels on a recours sont issus des langues des signes du pays dans lequel on vit. Cependant, on signera la majorité du temps en suivant la syntaxe orale, en oralisant en même temps que l’on signe, et en signant essentiellement les mots clés de la phrase. Dans les programmes de communication proposant des signes, seul un nombre restreint de signes sont transmis. Mais on peut tout à fait compléter notre vocabulaire signé en allant rechercher des signes de la langue des signes du pays. 

Quels sont les avantages et les inconvénients des signes ?

Les avantages sont clairs… les signes ne demandent aucun matériel, donc jamais d’oubli. Associer un signe au langage oral va soutenir la compréhension et créer un bain de langage plus accessible. Lorsque nous signons, nous ralentissons le débit de la parole, nous nous plaçons bien en face de la personne, et nous insistons sur les mots clés, ce qui aide la personne à comprendre et à accéder au sens du langage.  

Dans le cercle familial ou proche, les signes peuvent permettre une communication très fluide.

Ma fille signe beaucoup avec nous à la maison, mais en classe elle se sert plus de son classeur de communication PODD pour échanger avec ses amis et son enseignant. Et bien sûr elle utilise des gestes naturels et même quelques vocalisations. C’est la communication multimodale et c’est très riche !

Cependant, le grand inconvénient quand on quitte le cercle immédiat, ce sera le fait de ne pas être compris par tous. Il est nécessaire de former l’entourage et d’envisager d’autres moyens de communication selon le contexte. Les signes seront donc souvent utilisés en plus d’une autre modalité de communication (oral, pictogrammes, écriture…), on parle alors de multi-modalité

Certains programmes associent d’emblée des signes à une autre modalité comme « la démarche d’accès au langage » du centre Robert Laplane qui propose des pictogrammes inspirés de langue des signes ( le code « Daviel ») et des dessins situationnels. Le programme Makaton propose une banque de pictogrammes en même temps que l’apprentissage de signes. Mais les signes peuvent être associés à tout autre support visuel selon les situations, comme un outil de CAA linguistiquement robuste à base de pictogrammes qui offre la possibilité d’une communication la plus autonome possible.

Chaque situation est unique mais ce qui est sûr c’est qu’il est essentiel d’offrir plusieurs modalités de communication !

Mon enfant a de grandes difficultés motrices, est-ce que les signes seraient adaptés pour lui ?

Les signes peuvent être utiles aussi pour des personnes avec un handicap moteur. Les signes soutiennent la compréhension donc cela va aider la personne à mieux saisir ce que vous lui dîtes. Aussi, certains types de signes sont plus adaptés aux défis moteurs, c’est le cas du Coghamo que nous présenterons plus bas. 

Cependant, si au niveau moteur la personne ne peut pas réaliser des signes, il faudra d’autres moyens pour lui permettre de s’exprimer

Est-ce qu’il y a une Langue des Signes francophone ?

Non, il y a différentes langues des signes dans les différents pays francophones. En France, on trouvera donc la LSF (langue des signes française), en Belgique il y a la LSFB (langue des signes de Belgique francophone) qui est proche de la langue des signes flamande. En Suisse, la Langue des signes suisse francophone compte un très grand nombre de signes similaires à la LSF. Ailleurs dans le monde, il existe presque autant de langues des signes que de pays où elles sont utilisées [2].  

Au sein d’un même pays, on trouve également certaines différences de signes entre les régions, c’est ce qu’on appelle des régionalismes. Evidemment, cela existe aussi à l’oral (pain au chocolat/chocolatine, sac/poche, serpillère/wassigue etc.) !

Et les programmes de CAA francophones qui proposent des signes ?

Concernant les systèmes de signes que l’on va utiliser en CAA, ils sont également différents selon les pays : le programme Makaton emprunte des signes issus de la Langue des Signes Française (principalement issus du régionalisme de Paris). En Belgique, le Sésame propose des signes de la langue des signes belge francophone. Le Coghamo, qui propose des signes simplifiés au niveau moteur, a également comme base la langue des signes belge francophone. 

En Suisse francophone, le Soutien Gestuel Vaudois propose des « gestes » issus de la langue des signes suisse francophone (dont un très grand nombre sont identiques à la LSF). L’association préfère utiliser le terme « geste » pour bien se distinguer de la langue des signes.

En pratique, le Makaton est également enseigné en Suisse, et le Coghamo a également été diffusé en France !

Le soutien gestuel vaudois propose un lexique de 300 signes de base, Le vocabulaire Makaton en propose un peu plus de 450, tandis que le Coghamo est composé de 120 signes pour désigner des mots et des concepts courants (manger, dormir, avoir mal…).

Quel est l’impact des signes sur le développement du langage ?

Au niveau de la recherche, des études existent qui démontrent l’intérêt des signes pour stimuler les zones cérébrales dédiées au langage… signer soutiendrait donc le développement du langage et ne freine en aucun cas la parole [3] . De nombreuses familles constatent que lorsque l’on signe un mot, leur enfant arrive plus facilement à l’oraliser. Évidemment, certaines personnes n’auront pas accès à la parole, mais pour d’autres, les signes sont un tremplin vers une communication orale plus riche, en plus des autres bénéfices pour la compréhension et l’expression. 

Signer, cela ne peut pas faire de mal et cela peut faire beaucoup de bien ! 

Nous remercions chaleureusement Judith Labouverie pour son aide pour la rédaction de cet article.

Et vous ? Quelle est votre expérience de l’utilisation des signes pour soutenir la communication ? Prenez contact avec notre équipe pour partager vos expériences et vos conseils pour soutenir d’autres familles.

Pour en savoir plus sur les signes :

 [1] https://www.surdi.info/bibliographie/des-chiffres-autour-de-la-surdite/les-chiffres-de-la-surdite-et-de-la-perte-d-audition/
 [2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_langues_des_signes

[3] https://www.uwo.ca/fhs/lwm/teaching/EBP/2007_08/Cott,J.pdf

Autres références :

Cress, C. J., & Marvin, C. A. (2003). Common questions about AAC services in early intervention. AAC: Augmentative and Alternative Communication,

Dunst C., Meter D. ( 2011) Influences of Sign and Oral Language Interventions on the Speech and Oral Language Production of Young Children with Disabilities

Sigafoos J. et al (2023) Communication Assessment and Intervention in book: Handbook of Applied Behavior Analysis for Children with Autism

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