La Communication Alternative et Améliorée à l’école

Témoignage d’une partenaire de communication professionnelle

Dans une école spécialisée en Belgique, Sophie Dallemagne est « Partenaire de Communication » professionnelle, une grande première dans l’enseignement et un projet qui porte des fruits ! Travaillant auprès d’élèves en situation de handicap multiple qui n’ont pas accès à la parole, son travail consiste à soutenir et permettre l’expression de tous via des moyens de CAA – c’est un poste à part entière à l’école secondaire ESCALPADE.

Sophie nous explique…

Qu’est-ce qu’un Partenaire de Communication professionnel ?

Dès que nous communiquons avec un utilisateur de CAA, nous sommes partenaires de communication.  Pour ma part, avec le soutien de la fondation Gratitude, j’ai la grande chance que ce soit ma mission principale au sein de l’école :  porter la voix des élèves, modéliser en tout temps et favoriser l’interaction.  J’utilise au quotidien les classeurs de communication PODD et le PODD électronique sur tablette.

Initialement professeur de langues pour des élèves de l’enseignement ordinaire, je communique aujourd’hui avec joie, avec d’autres élèves, dans cette nouvelle langue qu’est la CAA.  Enseignante dans l’école depuis des années, je ne connaissais les élèves non-oralisants que de vue.  Leurs outils de communication me permettent aujourd’hui de les rencontrer et d’établir avec eux une communication qu’ils peuvent initier, basée sur ce qu’ils ont à dire.  En ouvrant le classeur de communication, je ne sais jamais où ils vont me mener et veille consciemment à ne pas deviner pour leur permettre de choisir leurs mots, d’exprimer pleinement leur idée.  Les questions ‘oui/non’ qui me passaient par la tête dans mes interactions initiales étaient bien limitées et limitantes quand j’y repense aujourd’hui.

Que peuvent dire vos élèves grâce à la communication alternative et améliorée ?

Pour son anniversaire, une élève m’explique qu’elle souhaite jouer à cache-cache dans les différentes pièces de l’école.  A la fin de l’année, une autre me partage qu’elle souhaite offrir à son amoureux la plante que nous avons fait pousser comme cadeau de Noël pour les parents.  Lors d’une interaction entre deux élèves, la première dit à l’aide de son PODD à la seconde : ‘je t’adore’.  La seconde lui répond à l’aide d’un balayage audio-visuel du PODD : « Viens dans la même institution que moi après l’école ». Ces petites anecdotes démontrent l’autonomie de pensée de nos élèves, ils ne peuvent cependant la communiquer que par l’utilisation d’un outil et si quelqu’un a le temps de permettre ces expressions et interactions.  C’est la richesse de ma fonction : j’ai le temps de permettre la communication.

Au quotidien, l’outil de CAA leur permet non seulement d’exprimer leurs besoins mais également leurs pensées, leurs idées, leurs avis, leurs envies, leurs questions.

Pour d’autres élèves, être baigné dans le langage alternatif est déjà une ouverture. Confiante qu’il est possible qu’ils construisent leur langage sans l’exprimer, je « podde » aussi avec les élèves qui n’utilisent pas encore le classeur. Au pire, nous aurons juste été dans le contact, au mieux, un jour, ils se mettront à utiliser l’outil pour communiquer ce qu’ils ont à dire.

Qu’est-ce qui vous a aidé ou été difficile dans ce parcours ?

Les élèves et moi avons la chance que la CAA était déjà bien présente dans l’école avant l’arrivée des partenaires de communication.  Nous venons la dynamiser, lui donner plus de place et comme c’est notre mission principale, la rendre omniprésente.

La seule difficulté que j’aie rencontrée est que, au départ, les élèves connaissaient mieux le PODD que moi.  Je pouvais les écouter dans ce qu’ils connaissaient déjà mais pas interagir dans leur « langue ». Il me manquait tout un pan important de l’interaction en CAA.  Avec leur aide et quelques formations, j’ai très vite découvert qu’une fois la logique comprise, il suffit de se laisser guider, que c’est en utilisant le PODD qu’on apprend à l’utiliser.  D’abord pour exprimer des petits messages simples et récurrents et puis de plus en plus.

Comment faites-vous au quotidien pour soutenir la communication de vos élèves ?

Je porte toujours sur moi un classeur de communication PODD de groupe, cela me permet d’interagir dans de nombreuses situations de la vie quotidienne en utilisant la CAA.  Outre normaliser son utilisation, cette habitude permet de donner aux élèves l’idée de choses qu’ils peuvent dire avec leur PODD, sans attendre qu’on leur pose de questions; ils peuvent s’exprimer, leur parole compte et est valorisée.  Dans cette fonction, je me permets d’être leur alliée, de modéliser des messages que je pense que les jeunes pourraient souhaiter exprimer, comme « ça pue » ou « je m’ennuie ».

Cela suscite souvent leur intérêt et peut débloquer certaines réticences qu’ils montrent parfois à répondre à des questions qui ne les intéressent pas toujours.  …. Pour que leur outil devienne vraiment leur voix, j’élargis les champs pour tenter de les rejoindre là où ils se trouvent et ainsi ouvrir la porte de l’appropriation de l’outil.

Quel message essentiel aimeriez-vous transmettre ?

Plus je parle avec le classeur de communication, plus les élèves voient l’exemple de situations réelles de communication : je me trompe, je répare, je ne trouve pas comment exprimer ce que je veux dire, je fais une belle phrase fluide, j’exprime des opinions en tous genres, tout comme eux.  Et dans tous les cas, nous sommes en interaction et c’est bon !

Parce que l’objectif à long terme est qu’ils expriment ce qu’ils veulent, quand ils veulent, comme ils veulent, parce que la communication doit être possible à tout moment, nous visons que cette phrase devienne une réalité : « jamais sans mon outil de CAA ».

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