Présentez brièvement votre enfant et sa communication actuelle
Marie est une adolescente de 16 ans. Très gaie, très sociable, très heureuse de vivre, c’est la quatrième d’une famille de cinq enfants. La cause de son handicap, perceptible dès la naissance n’a jamais été identifiée. Il se traduit par un handicap intellectuel assez important, une absence de langage verbal et des difficultés de motricité fine. Si Marie ne verbalise quasiment pas (elle ne dit que deux mots : maman et non !), elle a cependant une très bonne compréhension de ce qu’on lui dit et un réel désir de communiquer.
Dès que Marie a eu deux ans, nous avons eu la chance d’avoir une formidable orthophoniste – un ange gardien qui suit toujours Marie- qui progressivement l’a menée vers le chemin des pictogrammes et des signes Makaton. Puis Marie a intégré un IME et elle est maintenant en IMPRO. Son établissement lui a rapidement proposé également le Makaton. Aujourd’hui elle maîtrise environ 100 signes et pictogrammes. Cependant, comme Marie n’a pas une bonne motricité fine, ses signes ne sont réellement compréhensibles que lorsqu’on la connait ou lorsque le contexte permet d’en comprendre le sens.
A treize ans, alors que tout se passait assez tranquillement, notre fille a commencé à faire des crises de colère en vacances… ce qui ne lui était jamais arrivé ! A table notamment elle manifestait sa frustration en lançant ses couverts à travers la table… Il fallait faire quelque chose ! Nous nous refusions de médicamenter Marie pour la calmer… sentant que le problème ne se situait pas là.
C’est alors que nous avons rencontré sur notre lieu de vacances notre deuxième ange gardien, une orthophoniste qui nous a mis sur la piste du problème : Marie n’avait pas assez de mots pour communiquer avec nous…nous étions à la limite de ce que le Makaton pouvait faire pour elle… Il nous fallait lui proposer autre chose… C’est là que notre super orthophoniste nous a parlé du PODD… comme complément du Makaton.
Qu’est-ce que la communication alternative et augmentée vous apporte dans votre relation avec votre enfant ?
Le bénéfice de la mise en place du Podd a été immédiat. Marie a compris que nous avions identifié l’origine de sa frustration et que nous venions à son secours. Les crises ont immédiatement cessé. Elle m’a vue construire, imprimer, découper, plastifier un Podd papier, elle a compris que nous travaillions pour elle : elle signait d’ailleurs « c’est pour moi » ! Nous avions compris comment l’aider…
Aujourd’hui nous utilisons à la fois le Makaton et le Podd sur Ipad avec la synthèse vocale lorsque nous voulons une conversation plus riche.
Est-ce que vous pouvez partager une anecdote ou une histoire qui montre l’utilisation de la CAA dans votre quotidien ?
Il y aurait de très nombreuses anecdotes… mais il y en a une qui restera à jamais dans mon cœur, c’est lorsque la sœur de Marie, Anne, est revenue d’une longue absence à l’étranger pour ses études… Anne n’avait jamais vu Marie utiliser le Podd sur Ipad. Dès son arrivée à la maison, Marie s’est emparée de la tablette et la première chose qu’elle a dite à sa sœur avec sa synthèse vocale c’était : « je t’aime ». Anne et moi étions émues aux larmes…
Est-ce que vous avez utilisé d’autres outils, méthodes et stratégies avant d’arriver à ce que vous utilisez actuellement ? Lesquels ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Nous utilisons en effet plusieurs outils. Nous avons donc commencé par le Makaton, puis avons utilisé un Podd papier (20 signes par pages) pendant près d’un an. Puis, sentant que Marie était prête, nous sommes passés sur une tablette Ipad avec synthèse vocale. Elle s’est très vite emparée de ce nouvel outil sur lequel nous avions remis une structure assez similaire à celle de son Podd papier.
Je pense qu’il est important de ne pas opposer les méthodes. Pour nous le Makaton et le Podd sont très complémentaires. Le Makaton est formidable parce que nous avons toujours nos mains avec nous et que signer est devenu un réflexe pour Marie et nous. Par contre, lorsque nous nous posons avec elle pour parler du programme de la journée, pour raconter notre journée, pour parler plus à fond de sujets qui l’intéressent, alors nous utilisons l’Ipad. Il nous permet de converser plus longtemps en rebondissant d’une page à l’autre.
Qu’est-ce qui vous a le plus aidé sur votre chemin de la communication ? De quoi avez-vous eu besoin ?
Des bonnes orthophonistes… Nous avons eu la chance de rencontrer trois personnes formidables.
La première nous a guidés vers le Makaton et continue à accompagner Marie à la maison pour l’aider dans l’acquisition des signes Makaton de sa vie courante.
La seconde, sur notre lieu de vacances, nous a permis de comprendre la nécessité de mettre en place le Podd. Avec elle j’ai suivi une formation Podd et ai mis en place l’outil. Lors de cette formation, j’ai rencontré la troisième orthophoniste, qui est parisienne, et m’accompagne depuis sur la mise en place progressive du Podd, notamment le passage du papier à l’Ipad. J’échange avec elle sur les bonnes stratégies, elle m’encourage, me conseille…
Mais tout aurait été différent si nous n’avions pas été soutenus par l’équipe de l’IME puis de l’IMPRO dans lesquels ont (a) évolué Marie. Toute l’équipe : des éducateurs spécialisés, aux orthophonistes et jusqu’à la direction des établissements ont été très réceptifs à la mise en place du Podd et ont accompagné notre fille. J’ai conscience de la chance que nous avons eue et je les en remercie.
Il m’apparait vraiment essentiel d’établir ce partenariat efficace entre toutes les prises en charge pour le seul bénéfice de l’enfant pour qu’il y ait une vraie continuité dans la mise en place d’un outil.
Et votre enfant, qu’en dit-il : qu’est-ce que la CAA lui apporte ?
Difficile de faire parler à Marie du Podd… Mais le fait qu’elle s’en saisisse est éloquent pour nous… cela lui est utile. Elle sait qu’elle a à sa disposition un lexique très important avec tous les pictos du Podd… elle a un grand champ des possibles…
Quels conseils donneriez-vous à des parents qui découvrent tout juste la CAA ?
De présumer de la compétence de son enfant … c’est vraiment LA chose importante : d’y croire, de s’accrocher, de se dire que cela va marcher… Il y aura des hauts et des bas, mais votre enfant a besoin d’un moyen pour communiquer. Faites-vous accompagner par les bonnes personnes pour trouver la stratégie qui marchera pour lui.
Qu’est-ce que vous voudriez que tous les professionnels sachent concernant la CAA ?
Je voudrais leur dire de s’informer, de lire ce site par exemple qui est vraiment bien fait !
Je voudrais aussi leur dire de ne pas être enfermés dans une chapelle, de ne pas être pro… ou anti. Beaucoup de méthodes existent, il est important de les connaitre pour accompagner l’enfant selon ses appétences, ses compétences sans jamais le laisser dans une impasse.