Charlotte, 9 ans, utilise la CAA pour communiquer, sa famille en parle…

Aujourd’hui une famille témoigne de leur parcours de communication avec Charlotte, 9 ans, porteuse d’une anomalie chromosomique. Charlotte ne peut pas dire de mots mais elle a plein de choses à raconter et elle s’approprie tous les moyens à sa disposition… comme quand elle s’est saisie du matériel de cours de sa maman, enseignante spécialisée, pour se faire comprendre. On remercie Aline et Fabrice, ainsi que Camille 15 ans et Hugo, 13 ans de nous inviter dans leur histoire… 

Présentez brièvement votre enfant et sa communication actuelle

A + F : Charlotte est une petite fille très joviale de 9 ans. Porteuse d’une anomalie chromosomique rare – inv dup del 8 p – tout son développement est différent. 

Elle n’utilise pas de mot pour communiquer. Par période, elle peut prononcer des syllabes qui ressemblent à des mots, mais ils n’en ont pas toujours le sens. Charlotte émet beaucoup de sons différents, des onomatopées, des gestes, utilise des idéogrammes (un jeu éducatif qu’elle s’est appropriée pour la communication – voir photos) et elle pointe. Les mimiques de son visage sont très expressives. 

Depuis 5 mois maintenant, elle utilise un dispositif robuste de communication : l’application Snap core first sur une tablette iPad. 

H. 13 ans : Elle s’appelle Charlotte, elle a 9 ans, pi c’est ma sœur. Je lui parle, je fais des gestes, elle me fait des gestes et maintenant elle me parle avec la tablette. 

Qu’est-ce que la communication alternative et augmentée vous apporte dans votre relation avec votre enfant ?

A + F : La CAA nous permet de comprendre qu’elle nous comprend. Son outil lui permet avant tout de nous faire comprendre qu’elle comprend. 

Avant l’utilisation de son outil robuste, Charlotte trouvait souvent une astuce pour se faire comprendre mais il était difficile de savoir si elle nous comprenait par rapport à notre discours, par rapport au contexte. Aujourd’hui, la question ne se pose plus. 

Et puis, nous avons découvert que Charlotte avait pleins de choses à raconter : peu de demandes, mais envie de partager ses journées, de parler des dernières ou des futures vacances, de ce qu’elle a vu dans un livre, de commenter une vidéo, de s’inventer des jeux avec ses peluches ou ses poupées… 

C. 15 ans : Maintenant elle peut faire des trucs qu’elle ne faisait pas avant, par exemple elle fait des blagues, elle joue en associant des mots à des gestes.

C’est surtout bien pour les autres gens. Nous on la comprend. 

Est-ce que vous pouvez partager une anecdote ou une histoire qui montre l’utilisation de la CAA dans votre quotidien ? 

Il y en a tous les jours ! C’est vraiment comme si on redécouvrait notre fille. 

Un jour on demande à Charlotte de nous faire une blague. C’était au tout début de l’utilisation de snap. 

Charlotte sourit, puis elle va dans la page corps et santé (honnêtement on s’est dit, bon ce n’est pas gagné). Elle est allée directement pointer « fesses » et s’est mise à éclater de rire ! 

Ou plus simplement, hier chez le docteur. Elle avait la page « chez le docteur » qui correspond fortement à la page « chez le dentiste », mais sur la page du docteur, il n’y a pas la case « j’ai un petit peu peur ». Et bien, elle est toute seule sortie de la page docteur, pour aller dans la page dentiste, dire « j’ai un petit peu peur », puis est revenue sur la page docteur. 

C’est très rassurant, elle peut maintenant exprimer ce qu’elle ressent. C’est un soulagement énorme et un espoir pour sa vie future. 

H. 13 ans : Maintenant elle nous fait des spectacles, c’est sympa. Sauf quand elle répète 10 fois « applaudissez ». 

Est-ce que vous avez utilisé d’autres outils, méthodes et stratégies avant d’arriver à ce que vous utilisez actuellement ? Lesquels ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ?

Nous ne connaissions pas du tout la CAA avant octobre 2020. Charlotte avait un suivi depuis longtemps en orthophonie. Avant de rencontrer l’orthophoniste qui l’a suivie entre 4 et 8 ans et demi, on avait démarré des signes, mais l’orthophoniste nous avait alors mis en garde sur l’utilisation de signes qui allait retarder son langage, et elle nous avait aussi demandé de ne pas utiliser d’images et surtout pas de pictogrammes. 

Sans apprentissage spécifique, Charlotte a tout de même développé pas mal de gestes pour se faire comprendre. Elle utilise aussi beaucoup son cahier de vie, des idéogrammes, et les albums de littérature de jeunesse. Les onomatopées, les bruitages et la prosodie sont aussi des éléments importants. Elle peut prendre la main de l’adulte pour l’emmener voir ce qu’elle veut pointer ou lui tourner la tête si besoin. Charlotte n’a pas de troubles dans son attitude, elle réussit à se faire comprendre en ce qui concerne ses demandes la plupart du temps. 

Le cahier de vie papier est vraiment un outil qu’elle utilise beaucoup. On avait commencé avec son entrée à l’école maternelle, comme tous les enfants de l’école en Petite Section. Nous ne savions pas du tout que c’était de la CAA, mais on a très vite vu que ce cahier était important pour elle. Elle sait exactement dans quel cahier et dans quelle page elle va pouvoir nous montrer ce dont elle a envie de parler. 

Elle peut aussi nous apporter un album de littérature de jeunesse pour nous faire comprendre ce qu’elle a envie de dire. Elle le fait nettement moins depuis qu’elle a snap. 

Par contre, elle peut utiliser des vidéos de Youtube kids, et venir nous les montrer dans un but de communication (elle dispose d’une tablette différente pour aller sur Youtube kids). 

Elle dispose aussi de son passeport de communication. Elle ne s’en sert pas tous les jours, mais elle le fait à bon escient. C’est un outil complémentaire. 

Enfin, au centre de loisirs, à l’école, Charlotte utilise des TLA (tableaux de langage assisté = un tableau de pictogrammes pour un sujet ou activité spécifique). L’avantage c’est que les autres enfants et les animateurs ont vite compris comment faire, et peuvent eux aussi les manipuler. 

Qu’est-ce qui vous a le plus aidé sur votre chemin de la communication? De quoi avez-vous eu besoin?

Je dirais des connaissances et de la confiance. De la confiance en nous mais aussi de la confiance en elle. 

Du temps aussi. C’est grâce au 1er confinement qu’on a pu avoir le temps d’observer plus finement comment Charlotte communiquait, qu’on a pu lire pleins de choses, tester des pictogrammes, prendre le temps de l’écouter nous raconter son cahier de vie… 

Sans vraiment savoir que c’était de la CAA, on a pu tester des idées sans les freins de l’équipe thérapeutiques. Par exemple, on avait téléchargé une application gratuite avec une voix de synthèse. Charlotte ne supportait pas l’écran tactile au début du confinement.  Mais très vite, elle a maitrisé le pointage et la navigation. Ce pointage et cette navigation considérée souvent comme un prérequis, ce sont très vite installée, grâce à l’application. 

A la fin du confinement, les thérapeutes ont noté les énormes progrès, mais dès qu’on a évoqué pictogrammes ou tablette, ils nous ont demandé d’arrêter. Nous n’avions alors pas encore suffisamment confiance en nous pour leur tenir tête. 

En octobre 2020, c’est le généticien New yorkais qui nous accompagne sur son anomalie qui nous a parlé pour la première fois de « CAA ». Nous n’avions jamais entendu ce terme. 

Une orthophoniste française, Fred Rocher, nous a fait une présentation du PODD en ligne. Aussitôt, on a tapé CAA sur google, et là, un nouveau monde est apparu ! 

Grâce à l’association « Quand un sourire suffit » et au groupe facebook « CAA francophone », nous avons acquis tout un tas de connaissances, et rencontré une super ergothérapeute en ligne qui nous a soutenu pour oser nous lancer.  

Quand l’équipe du Sessad nous a freiné et demandé d’arrêter la CAA, on a pu résister, quitte à perdre les thérapeutes. Cette fois, on avait suffisamment confiance en nous, suffisamment de connaissance pour choisir.

L’accompagnement de l’association avec Marie Voisin Dubuit a été un élément très important aussi. 

Et depuis, on a trouvé une orthophoniste qui nous accompagne ! 

Quels conseils donneriez-vous à des parents qui découvrent tout juste la CAA ? 

De se lancer de manière tout à fait naturelle, sans craintes, sans objectifs impératifs, sans date butoir. Et puis faites-vous confiance, et faites confiance à votre enfant. 

Ne pas s’attendre à un miracle, c’est un apprentissage, pour tout le monde, mais ensemble on apprendra. 

De ne surtout pas se laisser décourager par des professionnels qui se raccrochent à des mythes et essayer de se rapprocher de professionnels qui sont au clair avec la CAA. 

Et Camille et Hugo, quel conseils donneriez-vous à ceux qui découvrent tout juste la CAA ? 

H et C. : Nous on ne sait pas ce que c’est d’avoir une petite sœur qui parle. Du coup c’est difficile de donner un avis. Notre sœur, elle est comme elle est, on ne fait pas spécialement attention au fait qu’elle parle ou pas. On la comprend, elle nous comprend, voilà. Parfois elle est gentille, parfois elle est chiante, comme toutes les petites sœurs.

Qu’est-ce que vous voudriez que tous les professionnels sachent concernant la CAA ? 

A + F : Que ça existe ! Que les mythes ne sont que des mythes, et que le seul risque…. c’est que ça marche. 

Vouloir mettre en place la CAA n’est pas incompatible avec leur travail, c’est juste un outil pour apprendre à communiquer. 

Non les parents qui croient en la CAA ne vont pas se mettre à nier le handicap de leur enfant. Par contre ils vont pouvoir d’avantage l’accepter ce handicap et apprendre à vivre heureux malgré tout.  

C. 15 ans : Que ça existe et que c’est important de l’utiliser parce que c’est utilisable pour pleins de choses, et avec quasi tout le monde. Si tout le monde savait ça, ce serait bien plus facile pour l’intégrer à la vie de tous les jours, et ça ouvrirait les esprits à la différence, pas seulement par rapport à ceux qui ne parlent pas. Moi je croyais que c’était à la société de s’adapter aux différences.  

Tous nos remerciements à la famille de Charlotte de nous avoir partagé leur histoire.

Les parents de Charlotte sont investis dans le Collectif CAA : ma voix, mes droits qui œuvre pour améliorer la prise en charge des personnes avec des troubles de communication et pour combattre les mythes et les barrières qui bloquent l’accès à la communication.

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